Cannabis America : enfin une variété sans traces de THC ?

Le monde du cannabis est en ébullition après l’annonce, à l’automne 2020, de la mise sur le marché d’une variété de chanvre génétiquement modifiée et totalement dénuée de THC : la Cannabis America. Alors finies les variétés instables risquant aux cultivateurs de devoir détruire l’ensemble de leur production en raison de traces de THC légèrement trop présentes ? Finie aussi la chasse aux sorcières de toute une espèce végétale alors que la plupart de ses composants peuvent au contraire être bénéfiques aux consommateurs ? C’est en tout cas la promesse que semble faire Cannabis America. Décodage.

Cannabis America : une variété sativa sans THC

Dans un communiqué de presse du 15 septembre 2020, la société Bazelet Oglesby, basée en Floride, a annoncé être parvenue à créer et stabiliser une variété de cannabis sativa totalement dénuée de THC. Grâce à une modification du génome du cannabis (son ADN), ils ont ainsi réussi à totalement retirer la capacité de la plante à produire du THC, tout en encourageant sa génétique à produire des « bons » cannabinoïdes. Selon eux, la pureté ainsi obtenue permettrait de renforcer les synergies entre les autres cannabinoïdes et les organismes, dans le but de faire de cette nouvelle variété le cheval de bataille du cannabis thérapeutique, dans un premier temps aux États-Unis.

Toujours dans leur communiqué de septembre 2020, David Grand, Directeur de la recherche pour la branche floridienne de Bazelet a ainsi clairement évoqué le recours à la modification du code génétique de la plante, et les objectifs que la technique permettra d’atteindre :

« Notre travail de séquençage du génome aidera à mettre en place des programmes publics de sélection au niveau mondial et à fournir aux agriculteurs, aux cultivateurs et aux organismes de réglementation des plantes à la génétique sûre, efficace, fiable et conforme aux normes fédérales ».

Qui est la société derrière cette variété de cannabis sans traces de THC ?

Malgré le nom de sa variété, la société derrière la Cannabis America ne nous vient pas des États-Unis, mais du Moyen-Orient. Le Bazelet Group a en effet été créé au milieu des années 2010 en Israël. En l’espace d’une décennie, il est devenu un leader israélien du cannabis médical et possède la moitié des fermes de cannabis du pays. Il ne compte pas pour autant s’arrêter là et travaille activement à la recherche et au développement de nouveaux produits en collaboration avec des universités israéliennes et… américaines. Si certains états américains autorisent en effet une consommation médicale et/ou récréative du cannabis, le THC est encore interdit au niveau fédéral. Un obstacle de taille pour les industriels qui ne peuvent capitaliser autant qu’ils le souhaiteraient sur ce qui représente probablement à l’heure actuelle le plus gros marché au monde. Et celui avec le plus de potentiel inexploité.

La variété Cannabis America ne reflète ainsi en rien son origine, mais en dit long sur ses ambitions. À ce stade, il est cependant raisonnable de prendre les premières informations concernant cette variété révolutionnaire avec des pincettes. Rappelons-nous notamment la saga médiatique et judiciaire qui a tenu en haleine le milieu entre 2018 et 2020 après qu’un groupe pharmaceutique a annoncé en grandes pompes commercialiser un CBD extrait du houblon, et donc parfaitement indépendant de tout plant de chanvre.

Bazelet semble néanmoins vouloir faire honneur à son statut de leader du marché et a d’ores et déjà annoncé le début de la commercialisation de sa Cannabis America dès la fin 2020 auprès de ses revendeurs agréés. La société espère bien développer rapidement son offre en développant plusieurs nouvelles variétés sans aucune trace de THC dès 2021. Un avenir proche nous dira donc si cette nouvelle est aussi révolutionnaire qu’elle en a l’air.

Cannabis America : opportunités pour l’industrie cannabique

Jusqu’à présent, la totalité des variétés de cannabis connues à travers le monde contiennent du THC. C’est vrai pour le cannabis sauvage évidemment, puisque le THC est le cannabinoïde le plus largement présent à l’état naturel. C’est vrai également pour le cannabis cultivé pour le marché noir, souvent sélectionné, croisé et stabilisé pour obtenir les variétés avec les concentrations en THC les plus élevées possibles, et donc proposer des produits toujours plus forts, aux effets planants remarquables. C’est vrai enfin pour les cultivateurs du marché légal qui, malgré une démarche résolument inverse (réduire au maximum le THC et encourager la concentration en CBD), n’ont jusqu’à présent réussi qu’à atteindre un niveau légal.

Les plants de chanvre industriel contiennent donc au mieux des traces de THC, leur permettant de passer sous le taux légal (0,2% dans l’Union Européenne, en attendant le passage effectif à 0,3% de THC). Ces variétés demandent pourtant un travail d’hybridation et de stabilisation conséquent. L’investissement est tout aussi important, ce qui contribue à expliquer le faible nombre de variétés légales par rapport aux variétés du marché noir. L’exploitation d’une variété sans traces de THC comme la Cannabis America permettra sans doute de réduire les coûts de production, tout en se plaçant définitivement du bon côté de la loi. En levant tout doute, le marché cannabique légal devrait ainsi pouvoir se développer plus facilement et rapidement, avec à la clé de potentielles nouvelles opportunités pour la sphère scientifique qui pâtit de longue date de la mauvaise réputation de la marijuana.

Cannabis sans traces de THC : conséquences pour les consommateurs

Pour les consommateurs, deux facteurs sont spécialement intéressants à prendre en compte :

• Pas de THC signifie légalité, pas d’effets secondaires, addictifs ou psychoactifs.
• Un marché mieux encadré et développé implique quant à lui des produits de meilleure qualité, moins chers, mieux ciblés et des effets mieux documentés.

Une question subsiste cependant : est-ce que ces manipulations génétiques sont une réelle chance pour les consommateurs ou reviennent-elles à tirer le diable par la queue ? Seul l’avenir nous le dira, en permettant de mieux comprendre les modifications opérées et leur influence, positive ou non, sur le corps humain.